4 juin 2005
LE MIRACLE DE STRASBOURG - 1er EPISODE -
Je venais darriver à la grande gare centrale après être passé par
Besançon, Montbéliard,Colmar et Mulhouse. Il pleuvait encore ce soir là.
La nuit froide de décembre commençait à descendre. Jétais entouré de
jeunes aux cheveux courts. Ils portaient des sacs à dos vert de gris et
leur bras portaient les tatouages reconnaissables des troupes aéroportées.
Devant moi, une vieille dame peinait avec sa valise à roulettes. Elle
sétait arrêtée et lun des jeunes soldats lui avait proposé de laider.
Surprise dabord, elle avait acquiésé. Il avait pris le bagage et était
parti au pas de charge. Elle sessouflait à le rattraper. Javais trouvé
cette scène amusante. Strasbourg mavait toujours surpris par ce mélange
de respect des autres et dindifférence dans les actes. Je devais
retrouver un de mes collègues des services au café du 13 rue du Maire
Kuss. Il ne me lavait pas dit dans son message. Mais je le savais,
cette rue était celle où les jeunes femmes de la nuit faisaient leur
travail. Il ne devait pas savoir que javais vécu précisément dans cette
rue près de... Je ne me souvenais plus exactement, au moins vingt ans
auparavant.On travaille dans les services et pourtant personne nest
capable de remonter lhistorique dun de ceux qui en font partie.
Le parvis de la gare a changé. Il est bordé par le tramway maintenant.
La même place avec les rues qui partent en étoile devant moi et je
repère tout de suite la rue où je dois aller, elle brille dans la nuit
avec les illuminations des fêtes. Un petit marché de Noël est installé
là. Je le traverse sans y prêter attention. Les odeurs de cire chaude,
de vins à la cannelle mentourent. La pluie refait son apparition. Je
serre mon imper. Je suis devant le lieu de rendez vous. Cest une de ces
brasseries modernes qui essaient sans réussite de copier celles de la
place Kléber. Les dorures et le vert sont déjà mangés par le temps. La
patine ny est pour rien. Seulement la qualité des matières. Acheté en
Chine tout ça, et allez donc. Jentre et fonce vers le poêle en faience
bleue et blanche. Cest sans doute le seul objet réellement alsacien
ici. Il ou plutôt elle est là. Tiens avec le prénom du message javais
interprété un homme. Cest une femme.
Son regard me rappelle quelquun, vaguement. Elle ne semble pas me
reconnaître. Dun signe de tête elle me montre la chaise en face delle
je masseois.
- Pas chaud, hein ?
- Non, cest lhiver en Alsace.
Sa voix a un accent velouté et chantant. Ses grand yeux noirs
mauscultent. Elle est brune, dorigine arabe, certainement, la peau
très bronzée ou légerement mate, je ne sais pas bien la décrire. Une
présence très chaude et attirante. Elle doit être de première force pour
obtenir des confessions.Elle commence déjà à mexpliquer mon rôle.
- Ici vous serez mon ancien amant qui vient me faire ch...
- Une sorte de chèvre quoi ?
- Oui et les collègues autour seront les loups ou les tigres cest selon.
Je navais rien compris à son message. Jétais sûr que cétait lui,
enfin elle qui devait être lattrape barbu. Jallais devoir vérifier ça
en vitesse.
- Ce soir, vous descendrez à lhôtel Kléber, demain on verra...
- Hein, mais javais compris que cest chez vous que je restais...
Elle me sourit en creusant la fossette sous son menton et je ne peux que
me taire.
Si tous les types des services qui travaillent avec elle sont soumis à
cette arme, ça doit faire des ravages.
-Bon, la logistique étant réglée, demain vous allez vous pointer, à mon
travail. Je suis aide sociale au Neuhoff dans une antenne de la mairie.
Là vous chercherez à me trouver, mes collègues de lantenne vous
donneront les informations pour me trouver. Vous vous ferez remarquer le
plus possible.
Je lécoute me donner les instructions et le plan peu à peu se dévoile.
La bande dabrutis barbus qui souhaitent mettre Strasbourg à feu et à
sang est installée dans ce quartier. Habituellement avant Noël, puis
ensuite et jusquau 1er de lAn il y a régulièrement des dizaines de
voitures qui sont brûlées. Ca fait mainetant trois ans quelle et ses
collègues ont repéré les donneurs dordre. Comme il fallait sy attendre
cest un mélange détonnant de dealers et de fadas de lIslam pur et dur.
Jusquà maintenant, le centre ne souhaitait pas quon les boucle, là je
comprends quune deuxième phase a commençé. Ceux den face se sont
rendus compte quils étaient sous surveillance. Il leur faut à la fois
continuer leur bordel et en même temps organiser leur départ vers
lAllemagne. Nos copains du BKA sont déjà au courant. La souricière,
non, le piège,peut se mettre en place. Les pousser à partir à découvert
et les arrêter au passage de frontière. Pour gagner sur tous les
tableaux, il nous en faut des gros bien visibles et bien télégéniques au
journal télévisé de vingt heures ou un de nos ministres va enfin pouvoir
démontrer de quoi il est capable. Cest là ou jinterviens avec la belle
collègue. Elle est déjà à lintérieur dun des groupes. Il lui faut en
sortir sans être repérée. Je vais servir de chèvre et attirer les types
qui lui servent de famille. Ils vont nous chercher et se répandre dans
la ville. Ce sera un jeu de les attraper ensuite. Elle en sait trop sur
eux. Moi, si je suis pris, alors bonjour... Mais elle me rassure, tout
se passera bien si je fais comme elle dit. Je dois la kidnapper et me
tirer en évitant de les tuer tous. Comment je dois faire pour la
kidnapper ? Là cest à moi de trouver, soit je la prends de force à la
sortie du travail, soit je lagresse et je la suis chez elle, soit je me
sers dun des leurs comme monnaie déchange. Je dois trouver, puisquon
lui a dit que je suis un as dans ce genre dembrouille. Jen ai marre.
Quand je rentre, je demande à être renvoyé à Montpellier, illico.
Montpellier, est ce que...
- Dites moi, votre prénom ce serait pas Nadia et votre nom Aït Ouali ?
Elle me toise et je me sens tout bête. Quand une femme me regarde avec
des yeux aussi durs, jai le sentiment que jaurais du ne pas naître.
- Ici je suis Hayat Benouladi, je suis sociologue et je travaille pour
la mairie à mettre au point des plans dadaptation pour mes frères qui
arrivent du Maghreb, cest compris ?
--
Jean Noel REBORA
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